L’Eté n’a jamais fait dans la dentelle, encore moins dans les 50 nuances de Grey. Il aime couper court et tailler sec.

J’veux qu’ça cogne ! J’veux qu’ça tonne ! Que ça résonne, que ça déconne !
Que l’été m’annonce qu’il se fait la malle, que c’est comme ça et pas autrement. Qu’il me tire, brutal, de mon lit d’indolente lourde d’une mollesse de canicule, par une gueulante tonitruante de tonnerre, pleine de rage et d’éclairs transperçant. Qu’il me dise, goguenard, l’œil brillant, sourire matois, que c’est la loi du15 août de subir ses assauts. Que ce sera rapide, rafraichissant et, ma foi, loin d’être désagréable. Ce ne sera pas subtil, plutôt viril. Un petit peu de boogie-boogie dans ce mois mollasson. Alors, de ses grands bras puissants, il m’enveloppera de nuages au gris délicieusement inquiétant, son ciel virera encre marine trahissant une humeur sombre, son souffle enbourrasqué* m’enroulera tel un kraken. Puis nous chavirerons ensemble dans la tempête, dans une ondée sans honte, rageuse et dévastatrice. En Attila assoiffés de terres à conquérir, nous noierons tout sur notre passage. Les arbres ploieront sous notre joux, les fleurs et les bêtes supplieront de les laisser tranquilles, diront que c’en est trop, que la saison tant attendue doit encore se prolonger : ‘Encore une minute, Monsieur le Bourreau…’.
Mais l’Eté n’a jamais fait dans la dentelle, encore moins dans les 50 nuances de Grey. Il aime couper court et tailler sec. Etre regretté et recherché. Son cousin et successeur, l’Eté Indien, n’en est qu’une pâle copie. Un membre gênant de sa famille à la chaleur trop discrète pour celui qui aime la grosse artillerie d’une lumière aveuglante qui vous poignarde le Midi. L’Eté Indien est un peu comme le cadet à qui on prête une attention condescendante : ‘ Le pauvre petit, il essaie d’être à la hauteur de son aîné, il fait ce qu’il peut mais…’. Le reste de la phrase mourra sur les lèvres, laissant planner le mystère que ce qui aurait pu être une brillante carrière dans le domaine saisonnier.
L’orage passé, l’Eté, goujat, laissera s’envoler des volutes de brume, avec la nonchalance d’un amant repu, désormais négligeant. Ça a cogné, ça a tonné, ma Poule, que veux-tu de plus avant mon grand départ ? L’aventure, c’est l’aventure ! Puis, comme il n’est pas à un narcissisme près, il rajoutera : « Au fait…alors, heureuse ? »
* enbourrasqué =néologisme voulu par l’auteur de cet article