Hush, hush, Sweet Jane

Jane Birkin dans les années 80
Jane Birkin (1946-2023), femme libre et échevelée qui a toujours chéri la mer

16h, 16 Juillet 2013. T’es planquée, après un copieux déjeuner de famille. Distraitement, après une fin de repas, tu as regardé le fil des actualités. Stupeur et chuchotements : ‘Décès de Jane Birkin’. Affolée, tu as jeté un coup d’œil autour de toi. Les bulles des fonds de champagne avaient expiré depuis longtemps, un fond de café refroidi dans les tasses achevaient de clairsemer une table triste. Celle des départs imminents de ceux qui vont repartir dans leurs pénates, des adieux gênants face à ceux qui restent encore au bataillon avant de battre en retraite à leur tour. ‘Jane Birkin est morte’. Quelques mots lus furtivement qui ont fait tourner ton sourire au vinaigre. Ex-fan des sixties de la même génération que tes parents, oncles et tantes. Presque une cousine éloignée d’Angleterre qui a fait les quatre cent coups.

Pas possible d’annoncer ça comme une banalité, en sortant d’une voiture surchauffée : « Ah, au fait, Jane Birkin est morte’ ! », et de flanquer la brutalité de la nouvelle par un bilan chiffré des plus inapproprié ’76 ans’. L’âge de tes parents plus ou moins. Une indélicatesse de plus qui va leur rappeler que pour eux, la Grande Faucheuse est en embuscade. Faire le choix de la lâcheté des chaînes infos et des programmes télé du soir assurément bouleversés ‘ En hommage à Jane Birkin, Arte change sa programmation en diffusant….’, le tout d’une voix off hertzienne et veloutée. Alors, je vais rester planquée là pour que le déni ait encore lieu. Jane Birkin n’est pas encore morte. Elle est en convalescence comme il se doit depuis ce printemps après l’annulation de ses concerts. Son accent trébuche encore sur la syntaxe française, elle a la mine chiffonnée d’une insomniaque notoire et la cigarette qui tremble. Il fait un jour d’été chaud à crever façon ‘La Piscine’. Un moment mal choisi pour celle qui chantait ‘La Gadoue’ et aimait se réfugier dans sa demeure bretonne aménagée de bric et de broc.

En silence, je garde le secret de cette disparition si symbolique de leur jeunesse. Bien sûr, ç’aurait de la gueule de leur annoncer, gonflée d’importance, la disparition de Miss Birkin ‘Ah, au fait, tu n’es pas au courant…?’ et de guetter, curieuse, l’effondrement d’une génération avec l’annonce d’une mort en direct. Le regard qui s’égare et se voile, le coup porté au coeur suivi d’un ‘Aaaaah…non, c’est pas vrai ‘…. Puis les souvenirs fugaces de la traversée du temps, de l’écrasement des années yéyés à travers le fil d’Ariane tissé de près ou de loin par Miss Birkin. C’est facile de se la jouer croque-mort quand on est loin d’avoir un pied dans la tombe, et de retourner, confortable, à sa quarantaine. Alors tu préfères te taire. Et rester cloîtrée dans le silence tandis qu’hurlent les cigales.

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Lou Saintagne dit :

    euh… Marie-Pierre, c’est pas « 16, 16 juillet 2023 » que vous vouliez écrire ? 😉 (et évidemment pas la peine de publier ce commentaire)

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