Vous croyez que c’est facile d’être un chien qui porte un nom de cloche ?

Mais il est où, hein, le youki ? Il est où le youki à sa mémère ? Le youki, il est dans une limo, (comprenez une limousine, bande d’incultes), pattes de velours limées, le croupion bien au chaud sur un siège en cuir. Si je porte un collier, c’est du Cartier, du vrai, et tout en diam’s silvousplaît.
Quand on me regarde, on fond devant ma petite taille, mon poil court d’un beige crémeux, mes petites oreilles de pointues de fennec. Et surtout, il y a mon regard : aussi suppliant que celui de Robert Mitchum, aussi humide que celui de Meg Ryan en train de chougner contre son Harry. Oubliez son noir de jais, avec ces yeux là, j’emballe les gonzesses, et surtout ma mémère, Paris.
Quoi ? Vous ne savez toujours pas qui je suis ? C’est moi, Tinkerbell, le chihuahua le plus classe du monde. Fils putatif de Paris Hilton, la tass-pe la plus déjantée de la jet set. Ma maîtresse est tellement balaise qu’elle est capable de mettre minable à l’open-bar et sur le dance-floor n’importe quel échappé du show bizz. Idem pour les tabloïds. Avec elle, c’est la série des Martine qui se décline, mais façon bling-bling : Paris au Hilton (wouaf ! je n’ai pas pu résister !), Paris à St Trop’, Paris chante le blues, Paris se fiance, Paris sort un livre, Paris se teint en brune, Paris fait une sexe-tape… Quelle activité !
Pourtant, elle est pas très jolie, Paris, si on y voit de plus près. Paris ? Une grande quiche d’1 mètre 73, 55 kilos toute mouillée, des panards qui font comme le débarquement, c’est à dire en 44, des tifs d’un blond douteux, un bronzage pain d’épices qui grille déjà ses plus belles années.
Elle peut-être touchante, Paris. Elle a un œil qui dit un peu « merde » à l’autre, une paupière qui se casse gentiment la gueule mais qu’elle a appris à masquer en regard aguicheur, une bouche lippue constamment graissée au gloss de phoque. Elle a un air de grande dame un peu blasée de tout. Paris, elle peut pas s’empêcher, elle a un goût irrépressible pour le bling-bling. Elle craque devant une robe dorée du plus mauvais effet. Plus il y a d’paillettes, plus elle est contente. Dommage qu’elle ne se soit jamais aventurée dans une boutique de Barbés, elle serait expédiée direct in Heaven. Oui, elle a ce côté fragile, ma maîtresse. Atta-chiant, je dirais. Souvent, j’aimerais qu’elle me lâche un peu les baskets. Qu’elle arrête de m’habiller dans des tenues roses ridicules. Le pire pour moi étant le port du jogging, avec capuche de cail-ra non optionnelle. Mais c’est au moment de Noël que je morfle le plus. Imaginez un chihuahua en tenue de velours rouge avec col en zibeline. Ben oui, c’est moi, à la une de Closer. La honte pour moi, canidé de pure espèce. Le rêve américain des poufs incarné pour les autres. Ou comment une petite merdouille poilue peut accéder à la célébrité sans le vouloir, sans même trop bosser, bien calé entre les seins de sa richissime maîtresse.
Ce n’est pas de ma faute, j’suis craquant. Voire même carrément fun. Avec mon sex-appeal à la Mitchum, mon format facilement transportable dans un sac Vuitton, je suis the must have ! Je me marre bien quand une américaine toute en dents susurre en me voyant, la bouche en cul-de-poule : « Oh, he’s so cuuuuuuuuuuuuuuuuuute !« . Ben, ouais, que j’suis « cute« , je peux ! Rien qu’avec ce que je porte, nippes, collier et vernis aux papattes itou, on pourrait réalimenter un petit état Africain. Mais ça, Paris l’ignore. Elle ne sait même pas où c’est, l’Afrique. Elle sait que les noirs existent parce qu’elle en voit à L.A ou ailleurs. Pour elle, les noirs sont tous soit chanteurs de Rap, soit videurs de boîtes de nuit. Elle a aussi croisé Will Smith, vu le Cosby Show ou tapé la causette avec Eddy Murphy. Pour elle, être noir, c’est juste avoir un meilleur bronzage pour tenir en hiver sans repasser par un institut. Un jour, elle a vu « Out of Africa« , avec Meryl Streep et Robert Redford. Elle a un peu pleuré, mais n’a pas vraiment compris. L’Afrique, c’est trop loin de toute façon. Là bas, y a pas de boutiques Chanel ni de célébrités. Ou alors, si, peut-être Angelina Jolie qui fait des photos humanitaires en prenant des airs de Mater Dolorosa. Il paraît que ça fait bien sur les magazines. C’est surtout bon pour son image de marque. Genre la nouvelle Joséphine Baker qui adopte tous les enfants de la terre. Angie, elle les collectionne, c’est pas pareil. Elle aime bien les espèces rares. Brad râle un peu quand elle en ramène une à la maison, mais il finit toujours par être content : l’effet contraste est sympa sur les photos.
Etre le toutou de Paris, c’est pas facile tous les jours. Il faut dire que Paris, elle n’arrête pas de faire la fête. De Ibiza à Cannes, de London à Hollywood, Paris, elle est de toutes les teufs. Et qui est-ce qui suit sa mémère ? C’est kiki ! Emporté, emballé, pesé, je suis son doggy-bag à croquer à toute heure de la journée ou de la nuit. Twitté, retwitté, en pyjama, en tenue de soirée, je n’ai pas une minute à moi. J’ai un peu une vie de con. Je suis blasé des mix de David Guetta, je bise Karl Lagerfeld comme un vieux pote, je n’ai même plus à montrer patte blanche pour entrer dans les soirées VIP. Je fais partie de la team. Un jour, ma maîtresse était tellement over-bourrée qu’elle m’a oublié. Plus de peur que de mal. Il était où hein, le youki ? Il était où le youki à sa mémère ? Le youki, il pissait tranquillou sur les fauteuils de son jet privé. C’était bien. Je ne portais pas de combi Dior, mon vernis était un peu élimé, j’avais même le collier un peu relâché. J’étais tranquille, j’étais pénard. En train de siroter une p’tite binouse, matant un vieux film de Robert Mitchum en noir et blanc, c’était le paradis. J’étais presque redevenu un vrai chien. C’est vrai qu’avec Robert, on se ressemble un peu. Le même regard de cocker pas frais qui dit « aimez-moi », le côté ivrogne en goguette, l’air nonchalant du gars qui séduit sans effort. Oui, Robert et moi, on se ressemble pas mal. Mitchum était comme moi. Toutes les femmes voulaient l’adopter. Un Love me Tender un peu décati, mais qui voulait de l’amour, du vrai. Sans porter d’entorse à sa liberté et à la bibine. Pas facile de concilier tout ça. Moi, j’ai pas la liberté, trop de bibine, pas assez d’amour vrai. Elle est comme ça, Paris. Elle me cajole entre ses nibards devant les photographes et, une fois les flashs éteints, elle me pose sur la moquette de quelque VIP Room, et puis s’en va à ses occupations de putasse friquée. Mais comme je suis mieux que son sac à main préféré, dès que je disparais, cette nouille au cœur tendre me cherche avec affolement. Tinkerbell is Wanted !
« Tinkerbell »… vous croyez que c’est facile d’être un chien qui porte un nom de cloche ? Ma Paris trouve ça si mignon. Alors je lui pardonne. Elle a oublié depuis longtemps que je suis un mâle, elle l’a même toujours nié. Je suis Tinkerbell, sa fée clochette qui panse sa solitude. Le seul mec qui lui est vraiment fidèle. Je vous jure que Paris n’est pas méchante. C’est une brave fille, au fond. Une brave fille qui a trop d’argent et pas assez d’amour.