Ah, le cri de l’homme désemparé à chaque ouverture de l’hiver : « Mais-quel-est-l’imbécile-qui-a-inventé-les-collants ? ». Et nous, femmes libérées et frileuses de rectifier, « …le génie, mon chéri, le génie, tu veux dire…« .
Da, da, da, di, Doo, di o, Doo, Da. Da di, Doo, Di Doo Daaa… je suis comme un garçon manqué… Da, da, da, di, Doo, di, Doo, Da. Da di, Doo, Di Doo Daaa, difficile de m’imaginer… de m’imaginer comment ? Mais avec des bas, pardi !
Alors que l’automne est sur le point de tirer sa révérence, laissant place à une brume glissante, froide, impitoyable, les collants font leur réapparition. Du moins, pour les femmes. Quoique, il paraît qu’au Japon, une minorité d’hommes se sont mis à porter en douce de la lingerie féminine, mais cela est une autre histoire…
Oui, pour le plus grand courroux de nos conjoints, leurs mains inquisitrices se heurteront à cette géniale invention qui libéra la femme des bas. Bas qui exigeaient une armada composée de porte-jarretelles, avec des pinces en métal horriblement froide sur les cuisses. Ah, le cri de l’homme désemparé à chaque ouverture de l’hiver : « Mais-quel-est-l’imbécile-qui-a-inventé-les-collants ? ». Et nous, femmes libérées et frileuses de rectifier, « …le génie, mon chéri, le génie, tu veux dire…« . Et de nous replonger dans notre magazine féminin, divinement emmitouflées, les pattes au chaud, à admirer ces stars en robes légères aux avant-premières hivernales de Londres ou de New York sous des températures aussi basses qu’un Q.I de candidat de télé-réalité. Les stars ne sont pas humaines, la preuve, elles avancent, sereines, dentelle à même la peau, sans daigner frissonner comme le commun des mortels… Et sans doute, pour le glamour, portent-elles ces jumeaux fidèles de nylon ou de lycra.

Alors, quel intérêt, les bas ? Les bas… ah, les bas…lorsque l’on y pense, c’est toute une poésie qui se met en place… Les bas sont un murmure sur une cuisse de soie… un souffle subtil sur une chair offerte et nue… Les bas partagent un secret avec la Femme, ensemble, ils complotent, ils ourdissent le piège ultime qui rendra l’Homme dépendant… Bas noirs, arachnide tisserande brodant son veuvage sur l’innocence rosée… Bas couleur café faisant rien qu’à exciter, bas bruns caramélisant jusqu’à l’alcôve blanchâtre de l’aine… Bas blancs de mariée porteurs d’infinité pureté mais trahis par une rouée bien déterminée à consommer la lune de miel… Bas, noceurs sans vergogne, pirates de chair, geôliers faits de deniers par milliers… Bas, bourreaux infligeant la morsure du froid sur le haut de la cuisse soumise et dénudée… Bas, punition de la Femme attisant l’Homme en public par ce seul chuchotement : « …je porte des bas…« . Bas, catalyseurs de regard hydropique de l’Homme rendu fou par cette faiblesse offerte… Bas, accessoire cinématographique glissant tels des serpents silencieux sur des jambes en noir et blanc. Bas, héros de films noirs, complices d’Ava Gardner, de Marlene Dietrich et tant d’autres actrices de l’Age d’Or… Ah, les bas, les bas… on pourrait en faire un roman, on pourrait leur élever une statue… Bas…

Mais voilà que la triste réalité rattrape ce fantasme arachnéen. Car, Messieurs, avez-vous seulement tenté de porter cet érotisme sur vous ? Si, si, je ne plaisante pas. Je ne vous parle pas d’y glisser vos jambes velues par une douce journée de printemps, mais par des températures hivernales, bien tassées sous une couche de gel. Comment, vous faites la grimace ? Ah, le plaisir du futal et de la chaussette molletonnée pour votre petit confort…! Tandis que les bas…les bas avec jupe… quelle vulnérabilité vous habiterait tout à coup, que ce soit dans le métro, au travail ou en courses… Ah, la peur qu’une main intrusive, non contente de tâter le panier, se targue du gros lot : elle-portait-des-bas ! Et de savourer ce bonheur furtif d’une chair exposée au moindre détraqué… Bas, sensibles au moindre coup de vent glacial, à l’élastique qui déchante (soyez heureux, on vous accorde les bas modernes, non pas ceux de nos grand-mères avec porte-jarretelles obligatoires) déshonorant vos gambettes d’un plissé à l’élégance douteuse… Bas, porteurs d’une disponibilité sexuelle rêvée, pas besoin de s’embarrasser à l’effeuillage, la commodité des bas évince les gestes inutiles pour une saillie immédiate et furtive. Vous grimacez ? Les bas, c’est comme l’accouchement, ce n’est pas pour nous… On n’est pas fait pour, non, non, non ! Reculez, Messieurs, oui, reculez d’effroi devant ce Janus malfaisant, tantôt Bacchus célébrant une promesse de luxure, tantôt et souvent Diable mettant en offrande nos chairs de nymphes à la portée de tous les Pan priapiques de la Terre…!
Je suis une fan des bas-nylon, j’en porte tout le temps !