Ô Quenelle ennemie ! Lettre d’une Quenelle en dépression

Moi, gourmandise culinaire mise à toute les sauces, on ne peut plus tolérante quant aux mélanges des genres, être devenue symbole d’antisémitisme et le geste d’infâmes idiots, j’en frémis d’indignation !

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Il y a encore quelques mois, je naviguais, tranquille et paisible dans quelque préparation hétéroclite. J’étais tour à tour une belle lyonnaise gonflée à bloc, une Nantua carmin chic et choc. On me passait au four avec amour, on me baignait délicatement dans une eau pure et frémissante façon jacuzzi. J’étais une belle fille, une coquette à la chair ivoire faite de produits nobles, une petite comtesse au court-bouillon. J’étais heureuse, dorlotée, choyée. Quenelle, c’était si mignon, comme prénom. Avec son « Q » majuscule à la croupe généreuse, son « ne » du milieu montrant que je n’étais pas une fille facile, et puis sa finale en « elle« , comme un chapeau que l’on pose avec grâce sur une jolie tête… Jetée avec élan, la prononciation de mon nom avait quelque chose d’aristocratique, avec ce « Que » occlusif perclus d’interdits. Pour les autres, j’étais roulée comme des montagnes russes de fête foraine : le reste de mes syllabes en « elle » faisait remonter la pente dans un tourbillon de liquides. Mon nom était plein de promesses récréatives. Avec ce « elle » final, j’avais le pied mignon d’une jolie dame fragile se balançant sur une escarpolette. J’étais un met très français, d’ailleurs ce côté Grand Siècle ne me déplaisait pas le moins du monde. J’étais heureuse, je vous le dis.
Et puis, patatras ! Du jour au lendemain, mon nom est devenu un geste grossier sorti des tréfonds du Troisième Reich. Un « Heil » inversé réinventé par trois connards dont le Q.I peut à peine concurrencer celui d’Adolfo Ramirez dans Papy fait de la Résistance. Les crétins médiatiques se sont unis avec application dans cet allongement musculaire de leur membre droit, qui, à défaut de savoir tenir un stylo, ont imité le brassard rouge, noir et blanc des heures sombres de l’Europe. Mes origines phonétiques se rattachant au mot allemand Knödel, il n’en fallut sans doute pas plus pour convaincre du bien-fondé de son nouvel usage. Le « K » originel avait la sécheresse d’un bruit de bottes claquées à l’unisson. C’était beau et fin comme une nuit de cristal brisée par de longs couteaux. Ajoutée à cela une référence cinématographique, le Docteur Folamour de Kubrick, génie du mal au toc nazi, c’était vendu. Je n’étais plus un plat populaire. Désormais, la quenelle serait délibérément grossière et antisioniste.
Moi, gourmandise culinaire mise à toute les sauces, on ne peut plus tolérante quant aux mélanges des genres, être devenue symbole d’antisémitisme et le geste d’infâmes idiots, j’en frémis d’indignation !
Alors, je vous le demande solennellement, telle une reine déchue, réhabilitez-moi ! Achetez-moi, préparez-moi avec amour, dégustez-moi avec gourmandise, avec tendresse, passion, audace…sans aucune arrière-pensée politique. Au supermarché, répondez par un sourire goguenard à la caissière étonnée par votre choix culinaire. Ne vous trompez pas de quenelle… c’est bien celle-ci qu’il faut brandir, qu’elle soit sous-vide, en conserve ou dans le papier du boucher…! Achetez, luttez, mangez, résistez ! Quant à tous mes interprètes : humoristes barbus néga-sionnistes, footballeux écervelés amateurs de michetonneuses, néo-nazis en croquenots aussi crottés que leurs idées, moi, Quenelle, saine de beurre et de lait, royale et permissive, je vous ordonne de me lâcher la semoule !

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