L’Autoritarisme du Hashtag #

Derrière ce symbole aux airs de croix gammée bien rangée
se cache la plus haute forme de terrorisme intellectuel

Entre le  Hashtag et la croix gammée, l'ordre et la pensée unique sont parmi leurs points communs...
Entre le Hashtag et la croix gammée, l’ordre et la pensée unique sont parmi leurs points communs…

Tout d’abord, il y a une appellation à la consonance étrange : « Hashtag ». Son nom prête à penser tantôt à un village autrichien de carte postale sur les bords d’un lac (Hallstatt, dans le Salzkammergut), tantôt à un salut sec suivi d’un bruit de bottes aux heures les plus torturées de l’Europe. Rien de cela ou presque. « Hashtag » n’a rien d’un teuton au casque à pointe, il est même un parfait gentleman aux origines canadiennes et new-yorkaises. « Hashtag » est une sorte de yankee libéral inventé par deux informaticiens, Brian Kernighan et Dennis Ritchie, définissant les mots-clés du langage informatique par ce signe typographique. Symbolisé par le dièse # que l’on croyait tout juste bon pour les improbables appels aux services clients annoncés par une voix numérique veloutée « Pour suivre l’évolution de votre remboursement, faites le dièse », l’Hashtag était un camarade de classe étrange et repoussant que l’on ne prenait pas la peine de regarder. Son apparence antipathique de sens interdit inspirait inconsciemment l’idée de négation, un mystère aussi insoluble qu’une lettre cyrillique, une rune venue de quelque peuplade oubliée. Hashtag pouvait bien aller au Diable, on se demandait même s’il avait quelconque utilité sur Terre.
Puis internet est arrivé avec ses réseaux sociaux, son appel au buzz, cette course contre la montre pour attirer le plus de followers possibles avec LE ou LES mots-clés pour attirer le chaland. C’est là que l’Hashtag étendit sont empire, grignotant petit à petit les phrases explicatives, imposant insidieusement sa pensée unique. Désormais, les légendes de photos ou de citations se déclinaient à la manière du Morse. Finit le « Week-end à la campagne, douceur de vivre, fous-rire et bonne ambiance…. », désormais ce serait  » #WEEKENDLOL #SIMPLELIFE #FUNTOPCOOL. Hashtag célébrait triomphe de la pensée sur des rails, du rire classifié, du bon mot-référent. People, politiques et journalistes s’emparèrent de ce conformisme prêt-à-penser facilitant la réflexion, chosifiant l’intellec. C’était tellement simple, tellement facile. Une idée toute prête tel un plat à décongeler aux micro-ondes. Cela correspondait à l’exigence de vitesse de notre époque : une information qui circule avec toujours plus de fulgurance. Pas le temps de s’arrêter, d’émettre un avis, de laisser mûrir en soi une pensée. Pas le temps, on vous dit ! Il y a du monde sur la route, il faut dégager la place au plus vite.
Derrière ce symbole aux airs de croix gammée bien rangée, se cache la plus haute forme de terrorisme intellectuel. Un paysage en Toscane où la lumière rappelle la douce brume de La Joconde ? Hashtag ! #TOSCANEPAYASAGE #LUMIEREJOCONDE #SWEETLIFE. Un verre de vin et des éclats de rire dans une fête d’anniversaire ? Hashtag! #BIRTHDAY #LOLVINPARTY #TROPCOOLLALIFE. Une comédie musicale à New York hautement appréciée ? Hashtag ! #NYCTIMESSQUARE #MAMAMIA #TRUCQUIDECHIRE. Dans tous les moments de notre vie, Hashtag intervient, tel un petit caporal venu nous rappeler à l’ordre, hurlant ses deux syllabes tel un gueulard en treillis. Hashtag ! Vous êtes #HAPPY ! Hashtag ! #LOL, soyez morts-de-rire maintenant, oui, tout de suite ! Hashtag ! On vous dit que c’est cool ! C’est marqué entre ces deux dièses, plus forts qu’une constitution ! Hashtag! C’est les vacances #HOLIDAYS, #FUNFARNIENTE #BEACHSEXSUN, alors, amusez-vous, yes, right now ! Une, deux ! Une, deux ! Une, deux ! Garde à vous ! Haaaaaaa-shtag ! Rompez !
Hashtag s’immisce partout, tel un voisin lourdaud venu mettre son grain de sel, un monsieur-je-sais-tout à ne pas contrarier. Même les élans de liberté sont prises dans cet étau : #PRINTEMPSARABE  #DEGAGE #JASMINREVOLUTION. Comme cela est comique ! Une révolution prise entre ce graphisme de barreaux de cellule #. Comme cela est laid, comme cela est absurde ! Hashtag est le plus grand assassin de tous les temps, terrassant la syntaxe au profit de la pensée immédiate prête à être consommée, bradée, soldée aux premiers venus sur le web. Hashtag a des airs de petits Poulbots braillant les titres de journaux dans la foule. C’est à celui qui gueulera le plus fort qui vendra le plus de titres, et pas forcément les meilleurs. Hashtag est en train de nous rendre lecteurs mécaniques, lecteurs boulimiques avides de zapper d’une information à l’autre, d’un LOL à une indignation, d’une analyse politique à un fait divers. Hashtag est un danger que nous ne soupçonnons pas et pourtant… Tous ces Hashtag sont des emporte-pièce torréfiant nos pensées, une nouvelle forme de terrorisme intellectuel bêtifiant qui a envahit le monde, une tape malvenue sur nos épaules tel un inconnu inopportun sûr de son effet et crevant de fatuité. Cette façade en apparence simple d’emploi et libertaire dissimule l’imbécilisation* et l’uniformisation des âmes. Hashtag nous prend pour des cons.

*L’auteur ce cet article est conscient de ce néologisme de son cru.

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Ne pas confondre Hallstatt, le joli village autrichien hyper touristique, et Hashtag, le moche signe typographique usé sur Twitter...
Ne pas confondre Hallstatt, le joli village autrichien hyper touristique, et Hashtag, le moche signe typographique usé sur Twitter…
Vacuité, vacuité... tout n'est que vacuité... L'hashtag dans toute sa splendeur dans les tweet de Nabilla.
Vacuité, vacuité… tout n’est que vacuité… L’hashtag dans toute sa splendeur dans les tweet de Nabilla.

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