C’est alors qu’avec l’obéissance aveugle d’un partisan de la Mère-Patrie, Petit Ours accomplit les ordres. Maman Ours a transformé le quotidien en Goulag progressiste où se brosser les dents est vécu comme un exploit digne des meilleures performances poutiniennes.
Petit Ours Brun est un dictateur. Fermez la bouche et cesser de rire, je vous assure. Il n’y a qu’à ouvrir ses livres d’histoires pour se rendre compte que l’idole des petits pourrait partager son pot de miel avec Kim Jong-Un sans aucun scrupule. Vous ne me croyez pas ? Voyons de plus près…
Sous son aspect bonhomme, l’ursidé a une stature totalitariste : le regard fixe figé vers un ailleurs utopique, le geste tendu vers une seule action à la manière d’une figure stalinienne, les contours cubiques de sa silhouette composent chez lui une certaine dureté esthétique digne d’une statue communiste. Tel un ouvrier russe condamné à fabriquer un modèle unique et en grande quantités pour atteindre les fameux quotas décidés par le Petit Père du Peuple, c’est avec une rigidité mécanique que Petit Ours Brun accomplit une tâche unique par épisode, avec un enthousiasme empreint d’une morgue et d’un déterminisme tout aussi inquiétants. Jusqu’au-boutiste, Petit Ours Brun poursuit son action passionnante : faire le lacet de sa chaussure, peler un fruit, mettre sa culotte… Le monde peut s’écrouler autour de lui, peu importe, en bon partisan du régime, il suit la planification initiale.
Petit Ours Brun est-il idiot ? Pas tout à fait. Pour sa défense, il faut souligner l’enfance du malheureux ursidé, sous le commandement d’une mère ultra-autoritaire. Il ne faut pas se fier à l’air affable que lui donne son accoutrement constitué d’un grotesque tablier de fleurs, d’une robe tellement mémérisante que même les bobos hipsters hésiteraient à chiner, et d’un regard dangereusement hydropique. Cette lobotomisation apparente cache l’autorité d’une Haussfraü qui ne souffre pas la moindre contestation filiale. Petite vengeance bien léchée à défaut de pouvoir exercer la badine sur son cher époux. A propos de la figure paternelle, celle-ci est réduite au cliché le plus désolant : Papa Ours est une silhouette momifiée dans son fauteuil, journal lyophilisé à la main, vaguement conscient de l’existence de sa progéniture. Au mieux, le pauvre bougre lèvera ses fesses pour s’adonner à quelque activité typiquement ‘masculine’ que n’aurait pas renié un Eric Zemmour : passer la tondeuse, planter un clou, aller au travail (il est implicite que Maman Ours est une Desesperate Housewife confinée au foyer dont l sourire béat est obtenu sous acide de schnaps), puis reposer son arrière-train et attendre, pantoufles aux pieds, que bobonne serve le dîner. Ad tempores, ad mores… Chez Petit Ours Brun, le temps s’est figé dans les années 50. Et encore. On n’est même pas sûrs que Maman Ours soit au courant du droit de vote accordé aux femmes françaises depuis 1944. Papa Ours s’est probablement arrangé pour planquer les journaux qui en parlent ou bien, il a demandé à Eric Zemmour de faire une longue leçon d’Histoire, révisée selon son cru, à Maman Ourse. Elle non plus n’échappe pas au totalitarisme patriarcal appliqué dans un sens. Et pendant, ce temps, Petit Ours Brun … ? Eh bien, le velu obéît à sa môman. Elle en profite bien d’ailleurs, car la pauvre peut encore avoir le dessus sur le seul mineur du duo mâle.
C’est alors qu’avec l’obéissance aveugle d’un partisan de la Mère-Patrie, Petit Ours accomplit les ordres. Maman Ours a transformé le quotidien en Goulag progressiste où se brosser les dents est vécu comme un exploit digne des meilleures performances poutiniennes. L’approbation maternelle validée, Petit Ours Brun est tranquille jusqu’à la prochaine action devant être exécutée avec autant de brio. Avec ça, comment voulez-vous que Petit Ours Brun ne vire pas petit Mao, petit Franco ou petit Castro ? Une enfance aussi traumatisante entre singe savant et petit soldat ne peut qu’engendrer un être totalitaire, d’une intelligence moyenne, rompu à exécuter une tâche à la fois sans trop réfléchir. Bref, un dictateur dans toute sa splendeur…






