C’est le dernier jour de Décembre. Les estivants et les citadins d’hier se sont retrouvés à la montagne. Mais cet hiver, point de neige festive, comme promis sur les prospectus. Juste un paysage de fin du monde composé d’herbe avachie, de feuilles mortes roussies et d’arbres résolument nus. La fin d’année, décidément cruelle, ne leur accordera même pas la grâce d’un habillage de givre. Point de mélancolie avec une brume en sfumato, mais plutôt l’insolence d’un ciel bleu roi comme seul on sait les faire dans le Sud. Un saphir tranchant et beau, mais sans pitié, aucune.
Dans la station, pourtant riante les jours de flocons, un goût doux-amer habite les promeneurs caressé depuis le matin, par un doux soleil rasant qui colore les façades de bois de notes ambrées. Pas un chat à l’horizon, malgré les carcasses vides des voitures attestant bien d’une présence humaine sans doute planquée dans le confort douillet de village à la dénomination de conte de fées « Marmottes », « Edelweiss », « Pins Joyeux »… Malchanceux, ces vacanciers ? Pas sûr ! Au lieu de bonshommes précipités par l’envie de descentes tout shuss, voici de tranquilles badauds du dimanche s’adaptant à l’humeur mélancolique, « le bonheur d’être triste« , comme l’écrivait Hugo. Leur pas est lent, leur regard détaille avec un soin amoureux la nature qui les entoure et cette montagne sans pudeur qui les trahit. La belle, sans manteau virginal, se rie gentiment d’eux, offrant l’aridité de ses reliefs aux rayons caressant. Elle bronze, elle-aussi. Il n’y a aucun espoir pour qu’elle se rhabille de cristaux immaculés. En ce 31 Décembre, les rochers resteront obstinément gris. Tant pis. Le cliché des Bronzés qui font du ski*, ce sera pour une autre fois. Bien plus, tard, on dira alors « Cette année-là, je me souviens, il n’y avait pas un iota de neige…!« . Et d’enchaîner sur une conversation convenue conclue brillamment par un « Y a plus’d’saisons !« .
Et voilà donc le promeneur qui erre dans sa campagne désolée, désemparé, mais heureux. Car point d’entrave, pour une fois ! Point de combinaison qui engonce, d’après-ski qui plombent, de casque obligatoire, de forfait, de file interminable pour arriver au sommet. Tout juste notre maraudeur consentira à se couvrir d’un bonnet en laine, d’un manteau léger, de chaussures de marche, simples et vigoureuses. En ce 31 Décembre, il est un rêveur nostalgique pas pressé d’en finir avec cette année 2016, même si elle a été fort mauvaise. En paysan prudent, il se réfère à l’adage « On sait c’qu’on perd, on sait pas c’qu’on gagne !« . Ce soir, à minuit sonnés, il aimerait ne pas mentir sous une averse de flonflons inutiles, en prétendant que tout ira mieux l’année qui vient. Au grand trou noir de 2017, il préfère rester au bord du précipice retardant le saut vers l’inconnu. Il recule, 2016 s’effritant doucement sous ses pieds, pourtant chaussés solidement. Dans cette station de ski dépourvue de folie festive, il aimerait arrêter les heures, ne pas avancer. Juste flâner, tranquillement, dans cette faille hors du temps et de languir après cette neige qui ne viendra pas.
*Film culte de Patrice Leconte, « Les Bronzés font du ski », 1979, qui raconte le séjour à la montagne d’une bande d’amis tous aussi loufoques les uns que les autres. La troupe du Splendid composée entre autres de Gérard Jugnot, Christian Clavier, THierry Lhermitte, Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel interprétait ces personnages au caractère bien trempés !
Moi j’ai pu faire du snow en prenant mon courage a 2 mains 🙂