C’est comme ça, le jazz. C’est discret, c’est feutré. Tout l’inverse d’une Rolex de quinquagénaire doré.

Cela pourrait être un proverbe : « Plutôt que Pierre Gattaz, écoutons du Jazz ». En cuisinant le soir, un verre de vin blanc dans les parages, une petite sauce qui mitonne doucement dans une vieille casserole, et ailleurs, dans la cuisine, un poste de radio qui crachote quelque ineptie capitaliste ultralibérale. Tiens, c’est Pierre Gattaz, le verbe confit, le dos rond sur son précieux, mains jointes et air contrit, qui vient sur les ondes, prôner l’absence du smic, la fin du CDI, et plein de petits profits pour des patrons du CAC 40 bouffis… Et pendant ce temps, si nous aussi, on était snobs, méprisants, impériaux ? Un bon petit Pouilly-Fumé nous attend, frais et prometteur, le repas ronronne ignorant le time is money. Imperturbable, la sauce épaissit, lentement certes, mais aussi sûrement qu’un pauvre petit Livret A à un pourcent. Nous au moins, on évitera la faillite des marchés, on est sûrs de dîner ce soir. Car on n’a pas spéculé sur l’épaisseur de la sauce en risquant, comme un salaud, de l’avoir gonflé à la fécule de maïs. Pas de surenchère chez nous, non Monsieur, on ne mange pas de ce pain là. Alors, pourquoi se torturer l’esprit et les oreilles ? Appliquons ce nouvel adage snob, résolument snob : « Plutôt que Pierre Gattaz, écoutons du Jazz ». La main sur le bouton, tel gentleman cambrioleur dévalisant un coffre-fort dans la nuit sombre, tournons-le vers la bonne combinaison pour débouler enfin, sur des airs de jazz. Entendez-vous ? Ça fait un fond sonore tout en douceur, tout en percussions. Au loin un saxophone lance ses notes aiguës, entraînantes… On est loin de l’intranquillité patronale et pleurnicharde, on est transporté vers des ailleurs pleins de grâce et d’élégance : dans un club à New York, fauteuils de cuir, brownstones, whisky vanillé et p’tites pépées. Sur une piste en bord de mer, fond musical Blue Moon, déesse en fourreau, dos décolleté comme un bateau fendant la glace, ivresse, pouls tam-tam. Et pourquoi pas, oui, sur les toits de Paris avec les Aristochats, O’Malley, Duchesse et leurs potes griffus qui font un bœuf. Le Jazz a la classe. Le Jazz est l’élitisme mâtiné canaille. Le Jazz sait s’incliner, mettre ses cordes en sourdine, se faire filet d’air fluet entre les lippes rebondies des Amstrong, des Bechet, des Kens Burns… Le jazz, c’est le velours d’une Ella Fitzgerald, peau chocolat, paillettes by night, chignon laqué fifties, gestes gracieux. Pendant ce temps, Pierre Gattaz jase, brase, est en extase. Il cause jours fériés démodés, dimanches ouvrés, rentabilité. Il n’en peut plus, il se croit roi, il nous prépare un avenir plein d’effroi. Pour lui, quel pied, quel émoi ! Alors, c’est pour cela qu’il faut tourner la page : « Plutôt que Pierre Gattaz, écoutons du Jazz ». Laissons Pierrot le Fou déblatérer, haussons les épaules et tendons l’oreille vers des notes mélodieuses. C’est notre dernier rempart face aux médiocres et à la laideur du monde. Ecouter du jazz, c’est s’accorder une bulle. Dans l’univers du jazz, il n’y a pas de misère, pas de choses moches, pas de bêtise humaine. Il n’y a que du beau, du chic, du galant. Il y a de bons cigares, des borsalinos, des robes de satin, des regards qui s’allument entre deux bouffées Chesterfield. C’est chic, c’est posh, décadent, mais c’est ainsi. On converse agréablement, on garde pour soi ses tremblements, tout va bien ou presque dans l’univers du jazz. Bien sûr, il y a des peines de cœur, des coups de blues, des amours sur le carreau. Mais face à un inconnu on s’épanche comme il se doit, degrés on the rocks et air désabusé de grand prince aboli pour les hommes; rouge passion aux lèvres et crans fatals en demi-lune sur le visage pour les femmes. C’est comme ça, le jazz. C’est discret, c’est feutré. Tout l’inverse d’une Rolex de quinquagénaire doré. Dans l’univers du jazz on peut s’estimer heureux en étant un brin fauché. Le feutre mou et l’imperméable défraîchis feront bien une année de plus, il y aura bien un brave pigeon pour vous offrir un Long Drink en échange d’un sourire enjôleur … Et pendant ce temps, Pierre Gattaz…? Il cause encore, jusqu’à ras-bord. Ignorons-le, tournons le transistor. Laissons l’Oncle Picsou nager dans son coffre-fort. Nous, on s’évapore, on va dehors. Voilà, c’est bien mieux, on est à mille lieux de ces pseudos dieux. « Plutôt que Pierre Gattaz, écoutons du Jazz ».

Le jazz, des musiques qui font du bien à nos oreilles. Des mélodies qui nous font rêver et voyager à l’autre bout du monde. Écouter ce style de musique avec un livre en main sur le canapé ou un transat dans le jardin l’été, quel bonheur !
Merci pour cet article qui était fort intéressant !